CfP: Revue des sciences sociales special issue on Dépasser les frontières

Call for articles, deadline March 2018 (in French)

 

 

Coordinateurs

  • Maurice BLANC,
  • Philippe HAMMAN
  • Pascal HINTERMEYER

«La frontière n’est pas un fait spatial avec des conséquences sociologiques, mais un fait sociologique qui prend une forme spatiale» (Simmel, [1908] 1999, p. 607).

«Pourquoi étudier les frontières aujourd’hui?» demandent Anderson et al. (2002). Paradoxalement, lorsque les frontières – matérielles et symboliques – apparaissent relativement fixées et stables, elles sont négligées dans les travaux de sciences sociales; elles (re-)deviennent un sujet d’intérêt car elles sont affectées – mais pas nécessairement affaiblies – par les processus mondiaux de globalisation économique et d’intégration continentale.

Ce gain d’attractivité tient à la différenciation croissante de ce que désigne et recouvre la frontière. Des disjonctions s’imposent: entre une circulation plus libre des capitaux et des biens et une régulation plus forte des migrations de personnes; entre l’économique, le politique et/ou le culturel ; entre l’État et différents niveaux d’organisation sociale, supra- ou infra-nationaux. Sans oublier le façonnage de nouveaux espaces (cognitifs et pratiques, réels et virtuels), qui amène de nouvelles segmentations, ajoutant à la polysémie des frontières (Rumford, 2014; Delmotte et Duez, 2016). On interroge la frontière en s’appuyant sur des regards sociologiques et sur la diversité des approches de sciences sociales.

Peut-être parce que Strasbourg est une ville-frontière, qui a changé plusieurs fois de nationalité dans l’histoire récente, la frontière est un axe de réflexion récurrent dans la Revue des Sciences Sociales. En 1992, un dossier était consacré aux: «Villes-mémoires et villes-frontières». En 2005, le dossier « Privé-Public, quelles frontières?» explorait les recompositions des frontières entre le public et le privé, sur les plans juridique, politique et culturel. En 2012, le dossier « Frontières » soulignait que la frontière est non seulement «coupure et couture» à la fois (Courlet, 1988), mais qu’elle trouve sa consistance à travers de véritables espaces d’entre-deux. Récemment, le dossier «In-discipliné.e.s» (2016) a largement traité des frontières entre les disciplines scientifiques et, de ce fait, ces frontières ne seront pas abordées dans le présent dossier.

Les recompositions des frontières politiques, culturelles et territoriales

Les frontières séparent dans l’espace des ensembles humains et marquent des limites de souveraineté. Elles sont objets de contestations, de controverses et de contentieux. Souvent considérées comme stables, voire intangibles, elles sont à la fois durables et vouées à être dépassées et même transgressées. En Europe et ailleurs, au Nord comme au Sud, elles dessinent des confins par rapport auxquels se définissent des desseins partagés, elles ménagent des perspectives intégratrices, elles déterminent des marges et des marches tiraillées entre des références et des influences contrastées.

La frontière a une définition élargie: une dissemblance, une disparité dans un territoire ou un espace-temps, entre des échelles d’organisation d’univers sociaux. Il y a toujours des «douaniers» au sein de l’Union européenne, mais les lieux changent: aéroports et pôles logistiques, etc. Les frontières peuvent se transformer et se spécialiser, telle la frontière monétaire de la zone Euro. Vivons-nous le «retour des frontières» (Foucher, 2016)?

La Revue des Sciences Sociales souhaite promouvoir des débats et dépasser des énoncés binaires, évoquant tantôt la fermeture et les périphéries – la frontière qui délimite et sépare : un quartier, la ville et la campagne, deux pays, etc. – tantôt l’ouverture d’un nouveau champ des possibles, « au-delà », qui a attiré au fil des siècles les conquérants, les marchands et les contrebandiers, les migrants et les touristes. À ce titre, les frontières constituent un dispositif de marquage, incluant des pratiques et des jeux d’alliances complexes. Elles sont aussi l’objet d’usages différents, que traduit la dualité des termes en langue anglaise – frontier et boundary – ou allemande – Grenzraum et Grenzlinie. Des contributions relatives à différentes aires géographiques et culturelles sont bienvenues.

Les frontières renvoient également à la production du lien social entre différents univers, acteurs, groupes, échelles et secteurs, avec des conflits mais aussi des modes d’interactions et de coopérations. Cette perspective écarte les discours sur la «fin des frontières», qui seraient dépassées par les réseaux, les mobilités accrues, la réduction de l’espace-temps : la globalisation et la mondialisation stimulent la territorialisation de l’espace. La pertinence des frontières comme objet d’étude s’inscrit dans le double mouvement de suppression et de réapparition de frontières dans les espaces politico-économiques.

La problématique des productions et affiliations identitaires affleure : la frontière est à la fois ce qui distingue le soi et l’autre, l’in- et l’out-group; elle assure la relation entre un dedans et un dehors (la coupure et la couture). Un processus d’intériorisation de ces catégories par les acteurs s’ensuit, entre des dynamiques de mise en visibilité et d’invisibilisation: la frontière peut produire des effets de réalité en étant plus ou moins visible.

Ce sont des indices et des traces de processus toujours en train de se faire, car les rapports à la frontière sont mouvants : une stabilisation des interactions signifierait la fin de l’effet-frontière, qui repose sur les différentiels, réels ou supposés, entre des territoires, des univers sociaux, des groupes et des modes de lecture du réel.

Propositions attendues

Les propositions peuvent aborder librement les enjeux et processus suivants :

  • Les frontières historiques des États et leurs transformations; les réseaux et flux par rapport aux frontières d’État.
  • L’Europe et ses frontières (frontières internes/externes; frontières «spécialisées», comme la zone Euro, etc.).
  • Recomposition des échelles et des dynamiques transfrontières: frontières territoriales, globalisation économique, biens communs environnementaux (climat).
  • Les frontières Nord/Sud et les apports de la comparaison.
  • Mobilités, migrations et passages de frontières

Modalités de soumission

Envoi

Les articles sont à adresser au rédacteur en chef, Patrick Ténoudji (tenoudji@aol.com).

L’article doit être anonymisé. L’auteur veillera à fournir dans un fichier distinct:

  • ses coordonnées complètes : adresse postale, adresse électronique, téléphone.
  • ses titres ou profession et son appartenance institutionnelle (université, centre de recherche).
  • un résumé d’une dizaine de lignes en français, et si possible (seulement si ces langues sont bien maîtrisées) en anglais et en allemand.

Calendrier

Date de publication de l’appel à articles: novembre 2017

Date de réception des articles: mars 2018

Date de publication du dossier: fin 2018

Consignes

Le texte comporte au maximum 40 000 signes et blancs, notes et bibliographie comprises. Il est rythmé par des intertitres courts, avec deux niveaux d’intertitres au maximum. Les notes, en numérotation continue, et les références bibliographiques, sont reportées en fin de texte. Le renvoi aux ouvrages de référence dans le texte courant et les notes se font par la seule mention entre parenthèses du nom de l’auteur, de l’année de publication et, le cas échéant, des numéros de pages citées.

Exemples :

– … ainsi que l’indique J. Dupont (2003a), …

– … cette question a fait l'objet de plusieurs travaux (Dupont 2003a, Durand 2004, 2007)…

La bibliographie suit les consignes de présentations suivantes :

– pour un ouvrage : Dupont J. (2003a), Titre de l’ouvrage en italique, Lieu d’édition, Éditeur.

– pour un chapitre d'ouvrage : Durand M. (2004), Titre du chapitre sans guillemets, in Dupont J. (dir.), Titre de l'ouvrage en italique, Lieu d’édition, Éditeur, p. 52-92.

– pour un article : Durand M. (2007), Titre de l'article sans guillemets, Titre de la revue en italique, Lieu d'édition et éditeur si la revue n'est pas nationale, volume, numéro, p. 52-92.

Si des illustrations sont nécessaires à l’appui du texte, l'auteur en adresse les originaux ou les fichiers image haute résolution (300dpi) à la rédaction. Hors ce cas de figure, la recherche et les choix iconographiques relèvent de la seule décision de la rédaction de la revue

 

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